Croatie - Split, île de Hvar, île de Mljet

Tout commence par une arrivée en bateau, vers 6 heures du matin. On est entourés de terre, comme si on était sur un lac. On débarque à Split, tôt. La ville s'anime à peine sous un soleil qui chauffe petit à petit les pierres blanches de la ville. On sort de quoi faire un café, pendant que le samedi s'installe. Les terrasses des cafés se remplissent, le marché est animé.

On se sent un peu perdus. L'arrivée en bateau a quelque chose de brutal en comparaison avec le vélo. On se noie aussi dans la langue qui ne ressemble à aucune qu'on connaisse.

 

Chez Pascal, on se sent un peu chez nous. Il nous accueille 3 jours, et on prend nos aises. Baladés en ville et en montagne, de cafés en restos, notre séjour en Croatie commence bien.

Et puis ce soleil, qui nous fait plisser les yeux... On va prendre du bon temps ici.

 

Voyager à vélo, c'est faire des choix. Dans chaque pays où on arrive, on voit des images qui font rêver, on entend parler d'endroits à ne pas manquer au nord au sud à l'ouest à l'est, de villes mythiques, de monuments historiques, de sites importants. Pour l'instant, on suit plus ou moins la route de la Turquie, mais on a décidé de s'attarder là où on se sentait bien, d'éviter les grosses villes qui sont généralement un mauvais moment à passer en vélo, d'explorer plus en profondeur certaines régions au détriment d'autres. Un choix qui pourrait surprendre? En Croatie, nous n'irons pas à Dubrovnik.

 

La Croatie, c'est plusieurs centaines d'îles et îlots qui s'étirent le long de la côte, et sur les conseils de Pascal, on en explorera deux : Hvar et Mljet, toutes deux plutôt sauvages.

 

En presque deux heures, le bateau nous emmène de Split à Hvar, où, de criques en villages, et de montage de tente en feux de camp, nous passons 5 jours pleins de soleil. Plusieurs fois, cette pensée nous effleure : « on se sent en vacances !». En même temps, ça fait deux mois qu'on y est en vacances.

 

(Julien) Ca doit être bon signe, de se décrocher de la réalité, de lâcher prise, et de se laisser porter par le courant. Mais il y a quand même une légère culpabilité derrière cette phrase : de ne pas toujours se rendre compte de la chance qu'on a. De toujours avoir l'impression de ne pas profiter assez de ces moments...

Sur les îles, on ne roule pas beaucoup, et on a l'impression de tourner un peu en rond. J'ai la frustration de ne pas avancer. Il y a quelques jours, je trouvais qu'on était allés très vite, et maintenant je trouve qu'on se traîne. J'ai besoin d'avancer, d'être sur le vélo, et de suivre la carte sans trop savoir où je vais. Mais rouler en t-shirt, faire cuire les patates et les bananes dans la braise, se baigner au mois de novembre c'est quand même le pied, et j'oublie vite mes réflexions et je profite du temps présent.

 

(Stef) Je rêve où il y a des côtes à angle droit ici? Non mais de toutes façons, faut que je m'y fasse, les endroits les plus beaux sont aussi les plus vallonnés, depuis le 2ème jour du voyage, mes mollets ont compris le message. Qu'il est bon de profiter de tous ces paysages, de cette nature verdoyante, bleutée, ensoleillée et quasi déserte (du moins au mois de novembre parce qu'apparemment, l'été, c'est une autre histoire. D'ailleurs, depuis la Croatie, les gens nous regardent toujours étrangement: « euh... c'est bizarre de voir des touristes en cette saison... enfin, vous faites ce que vous voulez, c'est bien, mais pourquoi vous venez maintenant? »). Hvar vaut largement le détour. Je ne suis plus si pressée d'aller me les geler dans l'intérieur des Balkans... mais je sais que ma curiosité me fera pédaler jusque là plus vite que je ne pourrais l'imaginer.

 

Une chose importante aussi, c'est l'excitation du moment où on doit chercher un lieu de bivouac. Souvent pris de cours par la nuit tombante, on se retrouve dans des endroits improbables, mais l'excitation est là, et c'est bon signe non?

 

Mljet, c'est une petite île, au Sud de la Croatie, dont un tiers est classé parc national. Il n'y a pas de touristes en cette saison, et le parc national, derrière la beauté de ses lacs, prend des allures de déchetterie. On découvre des endroits scandaleusement sales, là où en saison, on doit payer 15 euros par tête de pipe pour voir ce parc... En Novembre, il n'y a personne ici et les habitants sont fort étonnés de voir des touristes en cette saison. La question qui revient le plus souvent quand on leur dit qu'on campe, c'est «mais... vous n'avez pas froid ??? » (assorti d'un petit frétillement caractéristique). La réponse est invariable : « un peu, oui, non, ça dépend ». Au coin du feu il fait bon. On passe des heures à regarder les flammes, à remettre du bois, en préparant à manger, en lisant, en méditant, en jouant, sans avoir besoin de trop parler finalement... puis on court dans l'intimité de la tente, et dans le moelleux de nos duvets.

 

Après ces 9 jours dans les îles, un peu à l'écart de la civilisation, nous reprenons notre route vers l'est. Prochaine étape: Mostar, en Bosnie Herezégovine. Un nouveau pays, une nouvelle aventure...