Premiers pas

Nous y voilà! Après 14 mois et 13971 kilomètres, nous sommes arrivés à la frontière indienne. Mélange de trac, d'émotion, d'appréhension... nous pénétrons dans ce pays tant attendu. Oui, après tout ce qu'on nous a dit sur la concentration de gens, de bruits, de tout en Inde, on se demande si on va vraiment y rouler.

 

Mais nos premiers pas sont rassurants et encourageants. Quelques tours de pédales plus loin, nous sommes invités pour le thé, présage à nos yeux d'un bon accueil dans le pays. On a ensuite la chance de passer notre premier nuit indienne au temple d'or d'Amritsar, envoûtant et calme, ouvert aux gens de toutes confessions religieuses, idéal pour entamer notre séjour ici. Le temple d'or est le lieu le plus saint de la religion Sikh, dont les adeptes sont environ deux millions en Inde. L'ambiance y est apaisante, réconfortante et relaxante. Le temple est ouvert jour et nuit pour que les milliers de pèlerins puissent profiter de ce lieu saint, se baigner dans les eaux sacrées, faire leurs offrandes et leurs prières. Nous, on reste assis, des minutes ou des heures pour profiter de cette découverte qu'est le sikhisme et pour apprécier la musique qui inonde le temple en permanence. Les cuisines du temple tournent à plein régime pour offrir des repas aux pèlerins comme aux touristes, en échange d'une donation. Chacun peut aider au fonctionnement du temple, en épluchant les légumes, en servant les repas, ou en s'occupant des consignes dans lesquelles les visiteurs laissent leurs chaussures.

 

A Amritsar, il y a quelques touristes. Et venant du Pakistan, on apprécie d'en rencontrer, alors on sourit à tout le monde! Sauf que nous sommes arrivés en Inde, et que les touristes s'évitent du regard. En marchant dans les petites rues, chacun espère être seul et baisse les yeux, afin de faire durer l'illusion un peu plus longtemps.

 

Le sourire aux lèvres, nous nous lançons sur les routes du Punjab, et là aussi les suprises se succèdent. La circulation n'est pas si terrible que ça sur la National Highway 15, même si le klaxon représente la ligne de vie de chacun. On klaxonne parce qu'on arrive, parce qu'on double, qu'on a doublé et aussi pour dire bonjour, au-revoir ou merci. Mais en venant du Pakistan, ce tumulte ne nous surprend guère. Les habitudes des deux pays se resemblent très fort, tellement fort qu'on se sent comme à la maison. Par contre, les plats ont beau avoir le même nom qu'au Pakistan, les goûts sont différents. Les plats sont plus colorés, plus variés, plus épicés et ce n'est pas pour nous déplaire après la monotonie culinaire des deux derniers mois.

 

Il fait nuit à 17h30, alors il va falloir trouver un endroit pour poser la tente. On s'écarte un peu de la route par un petit chemin, et on analyse le terrain. Une moto et deux indiens approchent. Devant leurs yeux ecarquillés, ont leur explique qu'on va dormir ici sous la tente. L'un deux sort un téléphone, et passe un coup de fil. Il me tend l'appreil pour que je parle avec son cousin qui parle anglais. D'après eux, ici c'est trop dangereux, alors il vaut mieux les suivre jusque chez eux. On arrive donc dans leur ferme, où ils vivent en famille : les deux frères, leurs femmes, les enfants, la grand-mère, et aussi tout le reste du village qui a été ameuté par la venue de deux étrangers. C'est la première fois que des occidentaux restent dans leur village d'après eux, alors la nouvelle circule vite. On fait quelques photos, on boit un tchai épicé à la cardamome, au gingembre et au poivre, on déguste les petits plats qu'on nous sert, et Ju est même invité à boire un godet d'une liqueur Punjabi à l'orange. Une des enfants parle un excellent anglais et prend son rôle de traductrice très à coeur. Le lendemain d'une nuit pleine de démangeaisons dont l'origine restera inconnue, elle vient nous réveiller. Elle est prête à partir à l'école dans son uniforme noir et blanc, et on l'accompagne jusqu'à son bus, enveloppés dans des couvertures pour faire face au froid du matin. Elle grimpe dans le bus, très fière de pouvoir montrer à ses copines qu'elle a des amis français qui ont dormi chez elle.

 

Les premiers pas en Inde, c'est aussi une découverte des odeurs. Les parfums se mélangent, de façon plus ou moins agréable. Les épices et les chapattis, l'encens et l'urine, le bois de santal et la bouse de vache, les gaz d'échappement et la friture, le tchai … On prend nos marques dans ce dédale de fragrances, jusqu'à Bathinda, où nous prenons un train de nuit pour rejoindre Bikaner, au Rajahstan.