Un penchant pour Pise

En passant la frontière on s'est transformés en vrais touristes. Nous voilà en Italie au pays des « scusi » et du langage des mains.

Premier constat : ça sent le saucisson! J'en entends déjà certains d'entre-vous dire « ça y est ils ont craqué . S'ils sentent la charcuterie en roulant c'est que ça ne va vraiment pas! ». Et bien figurez-vous que nous allons très bien et que ça sent vraiment la peau de saucisson. Tous les matins, cette douce senteur nous prend les naseaux, et nous retourne l'estomac. Si quelqu'un sait quelle est la fameuse plante qui sent le sauciflard, on aimerait bien savoir...

 

Deuxième constat : il y a un paquet de cyclistes! Du matin au soir ils défilent par groupes, à fond la caisse, et passent en nous lançant un 'ciao!' accompagné d'un sourire colgate.

 

Pas facile de s'adapter à ce nouveau pays. Sur Musclor (mon vélo), je me récite les phrases que Virginia nous a concoctées, pour être prêt, le cas échéant, à demander de l'eau, un endroit pour dormir, ou si c'est bien la route pour Genova (Gênes). Le relief non plus n'est pas facile, et le paysage n'a rien de très intéressant. Toujours les même montagnes qui plongent dans la mer, et ça pourrait être joli s'il n'y avait pas des villes partout. Parce que depuis qu'on a passé la frontière, on a quand même l'impression d'être en ville en permanence...

Seuls quelques endroits sortent un peu du lot, comme le cap de Noli.

 

On arrive à Gênes après 3 jours. Grâce au site'Warmshowers', on dort dans un lit, chez Gelya. Notre hôtesse n'est pas vraiment présente, mais heureusement ses amis prennent un peu plus soin de nous! Les Italiens trouvent ça bizarre que des voyageurs s'arrêtent là... il n' y a rien de particulier à visiter. Pourtant Gênes est une belle et grande ville, constamment animée. Il est plaisant de flâner dans ses rues, de goûter à ses focacce et d'admirer ses trompe-l'œil (enfin, ils sont parfois d'un goût douteux, avouons-le).

 

Oh! on a failli oublié de vous dire qu'en arrivant à Gênes, on a passé le cap des 2000 kms!! Complimenti! Bravissimo!

 

Nous reprenons ensuite la route vers Pise (Pisa) et découvrons des paysages qui nous plaisent un peu plus. Un peu moins de villes, un peu plus de montagnes (au grand dam de nos jambes), de végétation, de belles maisons.

Nous voulions passer par le parc de Cinque Terre, au Nord de la Spezia, mais la route étant truffée de tunnels de plusieurs kilomètres, on nous a vivement déconseillé de l'emprunter. C'est comme ça que nous avons orienté notre route vers Lerici, Montermarcello et Ameglia, et on ne regrette pas une seule seconde... le décor vaut le détour!

 

Pas facile de passer à l'Italien (la langue)... on se sent parfois perdus et timides. Il est plus difficile de discuter, de rire avec les gens, de demander de l'aide, de trouver de jolis lieux de camps planqués... mais bon, tous les jours on apprend quelques nouveaux mots, et on espère que ça ira de mieux en mieux! On est sur la bonne voie... on a eu notre premier bout de jardin à prêter, et on nous a même offert des frites!

 

L'automne est arrivé sans prévenir, comme une baffe sur le coin de la figure. Dans l'arrière-pays, la végétation méditerranéenne disparaît rapidement, et les pinèdes laissent place aux forêts de feuillus, beaucoup plus humides et fraîches. Les températures sont définitivement plus basses, et on a connu notre première vraie journée de pluie. Les pieds trempés dans les chaussures, nous avons roulé 75 kilomètres sous la pluie, de Montemarcello à Pise. Nous n'aurions pas fait cette folie si nous n'avions pas été sûrs d'être hébergés en arrivant.

Massimo nous a chaleureusement accueillis dans sa petite maison, nous a cuisiné de délicieuses pasta al polpo, et des « knödels », avant de finir par un café arrosé d'un coup de grappa, et accompagné de chataîgnes grillées. Le corps et l'esprit réchauffés, nous sommes allés nous coucher dans la petite cabane du jardin.

 

Les nuages qui butaient sur les montagnes hier, et déversaient des hectolitres de pluie sont partis, et le soleil brille. Pise est magnifique. L'Arno, le Duomo, la Torre Pendente, les ruelles et les vélos. Oui, il y a des vélos partout. Jeunes et plus vieux roulent à bicyclette dans la ville, et c'est bien agréable.

Devant la fameuse tour, les touristes prennent des poses acrobatiques afin d'avoir LA photo, celle où ils font semblant de retenir la tour... Alors on s'en amuse, on prend des photos des poseurs, et on se marre!

Ma ché?! Ou les tribulations de deux pédalistes en Italie

Ce matin, on doit partir de Pise. Le Soleil ne fera pas d'apparition aujourd'hui, c'est définitif. A la place ça sera de la pluie, qui tombe, se calme, tombe de nouveau, et remet ça... Après 30 kilomètres, trempés comme deux jours auparavant, on se décide à prendre le train.

Le train nous mènera jusqu'à Florence, où nous avons décidé de nous poser et nous sécher dans une auberge de jeunesse. Pendant le trajet, Assoma, un réfugié Nigérian nous raconte son parcours inhumain pour quitter son pays et rejoindre l'Europe, la perte d'une partie de sa famille, sa traversée du désert lybien, et les injustices vécues tous les jours en Italie, en raison de son nom, de sa couleur de peau, de sa situation... Son prénom signifie «cadeau de Dieu».

 

Florence la grande s'offre à nous. Pendant deux jours, on profite de cette ville grandiose, de son histoire, de la bonne ambiance de l'auberge dans laquelle nous logeons. Qu'il est bon de pouvoir cuisiner dans une cuisine de la bonne dimension. C'est dans cette auberge que nous avons rencontré Adam, Américain passionné d'Histoire, qui vient étancher sa soif ici parce que son pays en manque, d'histoire... Il passe des heures, voire des jours dans les musées et autres pinacothèques (on vient de découvrir ce que ça voulait dire, alors on se la raconte...). De notre côté, on s'occupe plus de notre estomac, entre foccace, gelati, caffè, pasta, et on déambule dans la ville, en évitant les vélos qui font tous plus de bruit les uns que les autres.

 

La Toscane, c'est aussi le vin, et en particulier le délicieux 'chianti classico'. La région du chianti est aussi un régal pour les yeux. Des collines, couvertes de vignes jaunissantes et rougissantes, que nous dévalons avec autant de plaisir que de sueur dans la montée. Qu'il est bon de retrouver le plaisir de rouler, même après deux jours de pause seulement. Le vent dans le visage, le pique-nique dans des endroits improbables, et l'inévitable moment ,à la nuit tombante, de la recherche d'un lieu de camp.

On devient plutôt bons à ce jeu, et les jardins s'ouvrent à nous.

 

Sienne, jolie ville médiévale. Propre, organisée, sans vélos, et dans le brouillard. Nous avons rendez-vous demain soir à Città di Castello, où Luke et Dawn nous attendent, ainsi qu'un festival de la truffe, du vin nouveau et autre chataîgne. Un peu pressés par le temps, c'est donc en poussant les vélos chargés qu'on visite Sienne. Petit-déj à la foccacia pour changer, et sans doute la meilleure depuis l'arrivée en Italie : une foccacia aux noix de chez Sclavi, un pur délice!

 

A l'est de Sienne, la route des crêtes s'ouvre à nous, avec ses côtes à 20% et ses points de vue. C'est sans doute la plus belle route depuis le début du voyage... Les couleurs, la «terre de Sienne» et le soleil qui a fait partir cette brume qui nous suivait depuis le matin.

 

La route est plus longue que prévue, nous ne verrons pas le festival à Città di Castello, et nous passerons une nuit de plus sous la tente et sous la pluie. Le lendemain, l'accueil de Luke et Dawn est franc, il fait chaud au cœur et aux pieds, et comme ils disent, 'ils savent ce que c'est de passer la nuit sous une tente mouillée', eux qui on fait un tour du Pacifique à vélo pendant un an, il y a 20 ans.

 

Les derniers jours s'enchaînent. Le col de Bocca Serriola et les jeux de dés à l'auberge du col. Le soleil est franchement de retour, et rend la descente de 70 kilomètres vers la côte Adriatique encore plus belle. Le froid du matin devient plus piquant, et bientôt le port des gants deviendra indispensable. Les couleurs de l'Automne s'accentuent entre rouge, rouille, orange, jaune et teintes de vert. Les vignes sont ici complètement dénudées, comme si elle avaient trop tremblé pendant les nuits fraîches, et fait tomber toutes leurs feuilles.

Les paysages italiens sont définitivement beaux, tant en Toscane, qu'en Ombrie, que dans les Marches, et nos contacts avec la population de plus en plus chaleureux. Une fois de plus, on nous prête un intérieur pour passer la nuit. C'est la fête!

 

Et puis la côte adriatique nous déçoit et nous frustre. De Fano à Ancona, coincés entre la mer, les hôtels hideux et déserts, la voie ferrée et la voie rapide, les kilomètres paraissent longs. C'est dommage de finir là-dessus. L'Italie commençait à sérieusement nous plaire, surtout dans ses terres. Mais on sait qu'on pourra revenir y rouler «facilement», si le cœur nous en dit. Ancona renforce ce sentiment et demain, 13 septembre, nous prendrons le ferry pour la Croatie, mais ça sera une autre histoire...