Maman les gros camions des routes syriennes, ont-ils des klaxons?

Oui ils en ont des gros, et d'ailleurs on revient de Syrie sourds de l'oreille gauche!!! Pour supporter ce boucan, je me souviens que mon père me disait '' Baisse la tête, t'auras l'air d'un coureur!''. J'ai baissé la tête et j'ai manqué de tomber... merci papa!

 

La Syrie, on nous en a dit beaucoup de bien. C'est d'ailleurs pour ça qu'on est venus là. On s'est dit que ça nous ferait du bien d'aller un peu au soleil, et que pendant ce temps, la neige à l'est de la Turquie aurait le temps de fondre un peu.

 

Nous voici donc à la frontière syrienne, au poste frontière de Bab al Hawa, la « porte du vent » si j'ai bien compris. On avait lu qu'on pouvait avoir le visa à la frontière, et que certaines personnes attendaient entre 4 et 6 heures. Pour nous, en une heure et 21€, le tour est joué, et avant même de s'en rendre compte, on donne déjà nos premiers coups de pédales sur les routes syriennes, acclamés par les motos et les « hello!!! Welcome to Syria !». Après 1 heure de vélo, première invitation au thé, et première invitation à dormir. A Sarmada, Abderrahim sera le premier hôte d'une longue série...

 

Direction Alep. La route est belle, et on zig-zague entre les klaxons des gros camions, les motos surchargées, et les 'Hello!!!' hurlés du bord de la route. Entre les appels, les sifflets, les klaxons, on ne sait plus où donner de la tête, et ça rend la route fatigante. La chaussée s'élargit à mesure qu'on s'approche d'Alep, deuxième ville du pays, et se transforme vite en autoroute. L'accueil des syriens est toujours aussi intense; les routiers s'arrêtent pour nous offrir des oranges ou un café à la cardamome.

 

Deux nuits à Alep dans un hôtel pourri, mais pas cher, juste le temps de visiter un peu, et de remplir quelques missions : trouver une carte du pays, et un dictionnaire.

 

Les routes sont bonnes en Syrie, même les petites. On traverse des villages dans lesquels peu de touristes doivent s'arrêter. Mais les cyclistes sont nombreux en Syrie. La preuve : nos hôtes de Kafr Halep ont hébergé deux autres français 10 jours avant!. L'hospitalité est incroyable et on enchaîne des expériences toutes plus gaies les unes que les autres. A Maraat al Numan, on pensaient dormir chez des jeunes, mais finalement ils nous ont réservé une chambre dans un hôtel 3 étoiles. Pour nous c'est un malentendu très gênant, mais vu qu'ils insistent pour nous l'offrir, on décide d'en profiter... de bons matelas, une douche bien chaude, un petit déj en terrasse... le pied!

 

Les vendredis en Syrie, c'est les dimanches chez nous... c'est congé quoi! Et le vendredi, les pique-niqueurs fous sont de sortie. Ici, le pique-nique, c'est un moment privilégié en famille. On se trouve un coin d'herbe et on déballe les tapis, les coussins, le gaz, le barbecue, les casseroles, et l'indispensable théière. Un jour on croyait juste se faire inviter pour boire un thé, et on s'est joyeusement laissés embarquer dans un pique nique de 4 heures avec brochettes, shish balak, salades, thé... Les camionnettes pleines de familles chantantes défilent sur les routes et s'éparpillent dans les champs. On ne compte plus les invitations à boire le thé, manger, ou échanger quelques mots.

 

L'hospitalité syrienne a parfois aussi quelque chose d'étouffant. Ca vient du cœur, ça se sent, mais c'est trop pour nous (occidentaux?). Lorsqu'on s'arrête au bord d'une route, quatre ou cinq syriens embusqués nous sautent dessus pour savoir si on a besoin d'aide, et prennent notre carte d'assaut pour nous indiquer la bonne direction. Sur les routes, les motards roulent à côté de nous et discutent dans le brouhaha de leurs pétrolettes chinoises. Et lorsqu'on veut camper et qu'on s'éloigne de la route, il y a toujours quelqu'un qui s'arrête pour nous en empêcher, parce qu'il y a des chiens, ou parce qu'il fait trop froid.

 

Avant d'arriver à Damas, je fais une overdose d'hospitalité. J'ai besoin de calme, de solitude et de pouvoir faire ce que je veux. Mine de rien, et malgré toute la joie qu'on éprouve en se faisant accueillir, c'est fatigant de se concentrer pour comprendre, pour expliquer, ou pour dire qu'on a assez mangé (promis!)

 

Damas, et l'hôtel Al Rabie. On y a trouvé notre petit coin de paradis. Pendant 4 jours, on flâne dans les souqs, dans la cour intérieure de la mosquée des Ommeyades, dans les caravansérails. On prend goût à découvrir cette ville aux murs noir et blanc, aux vieilles maisons brinquebalantes, et à l'histoire millénaire, et à zoner dans la cour de l'hôtel en discutant avec celles et ceux qui partagent le toit avec nous. C'est ici même qu'on planifie notre traversée du désert, de Damas à Deir Ezzor, en passant par Palmyre. Et on ne sera pas seuls : Claire et Emmanuel se joignent à nous. Claire achète un vélo spécialement pour ça, et Manu vient d'Egypte avec son vélo et sa remorque.

 

Depuis notre arrivée en Syrie j'avais envie de traverser le désert. J'avais de belles images de dunes à perte de vue, mais finalement on traverse plutôt un désert de cailloux. Les tentes de bédouins s'égrainent le long de la route et les moutons nous regardent passer en mâchant les quelques herbes qu'ils trouvent entre les sacs plastique, ou l'inverse. C'est folklorique de rouler en équipe... on passe de bons moments avec nos compagnons de route, on rigole, on se raconte nos dernières aventures burlesques, on découvre d'autres manières de voyager... Le temps s'est couvert, et la pluie nous oblige à nous regrouper à quatre dans la tente le temps de quelques parties de dés.

 

Palmyre s'ouvre à nous le temps d'un jour, mais pas plus. Juste le temps d'aller découvrir les ruines et la citadelle. Palmyre est l'attraction phare de la Syrie et les bus de touristes ont déformé la vision des locaux. Les enfants nous sautent dessus en nous criant ''Hello, Backshish?!'', et je surprends même un père qui me demande des sous parce que j'ai souri à son gamin.

Du coup on s'enfuit vers Deir Ezzor et la vallée de l'Euphrate. Manu ne part pas avec nous car son vélo fait des siennes. On se retrouve à trois pour 10 kilomètres. C'était agréable mais court! Claire a crevé, sa pompe ne fonctionne pas, sa chambre a air de secours n'est pas de la bonne taille, bref tout va bien. Elle finit par rebrousser chemin vers Palmyre, et nous on est accueillis par une famille de bédouins qui nous appelle depuis une heure pour qu'on vienne boire le thé.

 

Sous le patchwork de tissus qui compose la tente, il fait bon. Il y a un feu qu'on alimente avec des racines, et la lampe à gaz qui diffuse une lumière douce, bien plus agréable que les habituels néons. Le bédouin a des filles, et une de ses filles a des yeux... mamma mia! Elle pourrait réveiller un mouton après le méchoui de l'Aïd el Kebir!!!! Les moutons sont devant la tente dans laquelle on dort, et l'un d'eux doit avoir un gros rhume. C'est la première fois que j'entends un mouton qui tousse, c'est étrange (Stef tient à signaler à son parrain qu'elle avait déjà entendu un mouton tousser). Toute la nuit, les cloches sonnent avec les mouvements des bêtes, et nous on ne dort pas beaucoup. Et à 5h, toute la famille est levée, pendant que les deux touristes dorment. On décide de prendre notre temps dans cette sympathique famille de nomades, qui dans un mois iront un peu plus loin. Le temps d'apprécier le petit-déj, de discuter comme on peut, de s'affaler sur les coussins, de garder un peu le troupeau, et de traire les brebis.

 

La route vers Deir Ezzor est pleine de surprises. Le vent s'est levé et nous pousse dans le dos. Les aigles planent comme des cerfs-volant et les papillons jaunes et noirs font la course avec mes sacoches rouges. Un homme nous fait signe de nous arrêter et nous invite à nous reposer le temps d'un thé dans sa tente. Avec ses amis saoudiens, syriens et koweïtiens, ils se retrouvent quelques jours pour camper, pique niquer, et raconter des blagues qu'on ne comprend pas. Fayed parle anglais, et nous invite à rester pour manger. Ils vont égorger un agneau et le cuisiner. On décide de rester et de le déguster! L'agneau et la soirée passée, on campe près de leur tente et de leurs grosses bagnoles, rassurés (ou pas) que nos hôtes aient des flingues sous leurs oreillers.

 

Malgré que je n'aie pas beaucoup écouté en cours d'histoire à l'école, je me souviens quand même de l'Euphrate et de la Mésopotamie. Le fleuve coule vers l'Irak et nous on remonte son cours vers la Turquie. Le fleuve apporte de la vie à la vallée et rend la route moins monotone. Les champs de blés irrigués sont d'un vert tendre sur les rives et le bruit des pompes rythme nos journées. Les tuyaux et canaux parcourent jusqu'à 30 kilomètres pour transporter la précieuse eau vers les terres arides. Au-delà, le désert s'étend.

 

Aux ruines de Halabye, au bord de l'Euphrate, on installe notre campement près de celui d'une famille... ils sont une vingtaine! Encore et toujours de bons moments entre ballades en barque, barbecue et danses!

 

La Syrie a été plutôt une aventure humaine. Les paysages ne sont pas extraordinaires à nos yeux (pourvu qu'on ne soit pas déjà blasés) mais le peuple est sans doute un des plus accueillants au monde. Sur notre route on a eu la chance de rencontrer des syriens arabes musulmans, des syriens chrétiens orthodoxes, des bédouins, des kurdes. On a bu des litres de thé, mangé comme quatre, échangé des regards, des sourires, et des rires. On a appris un peu d'arabe et un peu des traditions. On a envie de découvrir plus le monde arabe, le monde musulman ou les deux en même temps. On a soupçonné que la démocratie n'était pas tout à fait universelle dans ce pays, et on a côtoyé la police secrète à quelques reprises.

 

Au passage de la frontière turque, ce bon vieux président/dictateur/ophtalmo Bashar Al Assad, nous salue de la main, comme il l'a fait de nombreuses fois depuis les murs des maisons ou les capots des voitures.

 

Ju et Stef qui lui souffle des trucs à l'oreille...